Portrait

 

Mon père travaillait sur des chantiers dans la téléphonie. On habitait dans une caravane jusqu'à notre scolarisation en primaire. même si durant cette période, nous avons encore déménagé dans trois villes différentes. Depuis, j'ai du mal « à me poser », je ne prête pas mes affaires par exemple : je les donne. J'aime avoir l'impression de pouvoir par tir à tout moment, avec un simple sac. Bien qu'étant à Paris depuis dix ans, je n'ai jamais habité le même appartement très longtemps.

Ma première expérience de sédentarisation, fut donc à Montpellier, où j'ai passé deux années (la maternelle), puis Antibes, puis retour à Montpellier pour une partie du CP et retour à Antibes jusqu'à la fin du collège, mes parents ayant acheté un appartement. A ce moment là, mon père ayant un poste fixe, nous a élevé et ma mère s'est mis à se déplacer pour son travail sur des bateaux jusqu'à notre entrée au collège, où là, elle a commencé à voyager mais pour elle : les Antilles, le ski…

Jusqu'au collège, j'étais souvent seul dans mon coin : beaucoup de lecture, de télé, de jeux sur ordinateur. Ensuite, j'ai commencé à devenir plus sociable, je suis descendu voir les jeunes sur la place en dessous de chez moi : séchage de cours, bières, plages, films d'horreur… J'allais aussi au cinéma tous les mercredis, en plus des films que je m'enregistrais sur le magnétoscope, et très rapidement, j'en suis venu à me dire que j'avais trouvé ma voie.

Au collège et lycée, j'étais toujours le premier de la classe, je m'ennuyais donc beaucoup : je trouvais les cours de maths beaucoup trop sommaires.

Avec le lycée, je suis allé retrouver ma mère en Guadeloupe, mon père s'étant remarié avec une femme assez jeune, et le courant ne passait pas vraiment. Il passait d'autant moins que nous la voyions beaucoup plus que mon père à cette période, celui-ci s'étant reconverti dans la boulangerie. Ce n'était d'ailleurs pas la première (ni la dernière) fois qu'il se reconvertissait de façon aussi extrême ! Le changement fut bien sûr radical, la vie là-bas est très agréable, il n'y a pas les contraintes climatiques qu'on a en métropole par exemple : pas d'hiver. Il n'y a néanmoins pas beaucoup d’activités, on pourrait décrire cette sensation comme un ennui agréable… Au niveau scolaire la situation était beaucoup moins agréable, le lycée dans lequel j'étais était très grand — cinquante classes par niveau environ — je me suis retrouvé dernier dans une classe de premiers de la classe (Je restais quand même le meilleur en maths) ! J'étais tombé chez des fous, tous promis à des hautes études…

Voulant faire du cinéma, je savais quel devait être mon parcours : je voulais " faire " la FEMIS, jusqu'à mon retour en France, à Nice où j’optais pour un DEUG dans la communication et l'image (il y avait de la vidéo). A ce moment, je me suis ouvert à pas mal de choses, et j'ai décidé de faire dans le documentaire. Cela me semblait en effet plus facile, contrairement au cinéma de fiction traditionnel… J'avais un préjugé très « normé » sur le parcours à suivre pour devenir réalisateur.

Après mon DEUG, je ressentais une envie de travailler, je suis donc retourné en Guadeloupe faire tout un tas de petits boulots : garder les enfants, serveur, vendeur, démonstrateur dans un supermarché.

En 1996, je suis ensuite rentré en France direction Paris pour finir mes études (Maîtrise Sciences et Techniques) dans l'audiovisuel et le multimédia à Paris III. Les cours étaient assez mauvais (deux heures de vidéo en deux ans !), la section n'ayant été créée que pour financer les recherches de certains universitaires qui ne donnaient même pas les cours qu'ils étaient censés dispenser. Le bon côté des choses, c'est que cela m'a permis de faire un long stage de vidéo — technique — assez long à Beaubourg, avec Bernard Clair-Renaud. Là, j'ai pu apprendre le montage, les bases du tournage… une école aussi bonne qu'une autre.

J'ai ensuite commencé à travailler dans la vidéo — toujours côté technique — pour une association de culture scientifique. S'en est suivie une période de vaches maigres qui a duré un an, pendant laquelle j'avais toujours à l'époque le projet de devenir assistant sur des documentaires.

Pour des raisons de santé, je n'ai pas pu adopter le statut d'intermittent, je devais en plus à cette période travailler de façon alimentaire dans des domaines qui ne m'intéressaient pas, à faire des choses qui ne m'intéressaient pas : de la saisie informatique essentiellement. C'est à cette époque que j'ai donc commencé à travailler pour moi, ne pouvant plus attendre ce moment où je serai enfin assistant réalisateur…

Lors de mon passage à Nice à l'occasion de mes études, j'avais commencé à m'intéresser à l'art contemporain. C'est une ville assez active dans ce domaine, autant par le côté historique (les avant-gardes) que grâce à des structures comme la Villa Arson ou le MAMAC. A Beaubourg, j'avais pu aussi voir beaucoup de cinéma expérimental, quantité d'expositions, j'avais aussi beaucoup lu. Cela m'a vraiment ouvert les yeux sur les possibilités non conventionnelles de l'utilisation possible de l'image par rapport à ce que je concevais…

Suite à un appel à candidature pour une biennale dédiée à la jeune création sur l'agglomération rennaise, je proposai une installation — pour moi plus aisément concevable techniquement que la réalisation d'un film. L'idée de celle-ci m'était venue lors de l'un de mes précédents emplois, j'avais eu à ranger des piles de C.V. et la lecture de ceux-ci m'avait profondément marqué. Celle-ci reprenait les CV et les lettres de refus disposés sous forme d'un diptyque au milieu duquel deux moniteurs étaient disposés, me montrant en train de réaliser des badges de différentes couleurs représentant différentes catégories socioprofessionnelles. Ceux-ci étaient présentés au public, qui était censé arborer celui de sa catégorie.

Tout en travaillant comme assistant réalisateur à Canal+, dans différents domaines, j'ai par la suite commencé à réaliser mes premiers films…

 

Propos recueillis par Gabriel Soucheyre
Turbulences vidéo # 53, octobre 2006